Lendemains

Personne ne sait comment cela a commencé !

Nous étions terriens. Certes mal en point, préoccupés de pollution, de surconsommation, de kraks, de clics et de tocs. Quelque peu humains encore. Nous étions encore parfois indignés, éveillés, mobilisés. Certains disent qu’Anatole Capteur a eu une vision grandiloquente de transformation du génome humain. D’autres soutiennent au contraire que nous avons tous œuvré au grand projet.

Du haut de mes trois claviers, il y a bien longtemps que l’on a aperçu une pomme, j’affirme que je n’ai pu apposer ma signature à ce contrat grotesque. 

Nous ne sommes plus. Enfin, plus du tout ce que nous avons imaginé être auparavant. Nous rampons. Nous rampons en tentant de nous redresser dans un sursaut d’orgueil et de lucidité. Ce cher René Char qui définissait la lucidité comme la blessure la plus proche du soleil. Nous rampons hélas bien loin de la lumière qui ne fait que nous aveugler chaque jour davantage. Nous avons touché le fond depuis si longtemps. 

Anatole a beau faire le mariole au quinzième sous-sol, la pénombre puante ne parvient à dissimuler nos corps décharnés.

Le grand projet, c’était la liberté. La liberté de choisir de sauver l’humanité. Voyez où cela nous a mené. Sous le beau prétexte de nous sortir de la crise du siècle, nous avons descendu quinze étages au sens propre comme au sens figuré.

Ne me parlez plus de génome. Ne me parlez plus de vision, de transformation, de révolution. Nous rampons, un point c’est tout. Avilis, asservis, mendiants notre dérisoire ration qui ne fait que maintenir un peu d’air dans nos poumons rétrécis.